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Tribune libre

Des belges coupeurs de mains   

"Il y a un siècle, le roi des Belges Léopold II menait une politique qui allait coûter la vie à dix millions de Congolais" : C'est du moins ce qu'affirme, à la suite de Lisapo ya Kama, l'Histoire africaine, l’américain Adam Hochschild, dans un livre paru en 1995, 'King Léopold Ghost - le pays des mains coupées',.

La réouverture du musée colonial de Tervuren, le 28 juin dernier, a suscité et ressuscité quantité de livres, d’articles de commentaires de radio ou télévisés déchaînant la haine de certains à l’égard de celui que longtemps on a qualifié de 'grand roi des Belges'. Pourtant la thèse du génocide ou même d'une éradication à grande échelle de la population congolaise est contredite par des sources qui établissent clairement que l'emprise de l'administration de l'État Indépendant du Congo (1885_1908) n'a pu être que fort limitée. Cette administration était composée principalement de Belges, d'Italiens, de Scandinaves et d'Américains. Au début des années 1890, les agents administratifs en charge de l'exploitation de l'Etat Indépendant du Congo n'étaient au total que 175. Un tiers d'entre eux à succombé à des maladies tropicales.

Cela rend d’autant plus risible l’accusation de génocide, que les seuls recensements fiables dans la région ne datent que des années '20. Les postes administratifs étaient situés le long de rivières navigables, accessibles à des bateaux à vapeur reconstitués à partir de pièces démontées acheminées du port de Matadi à Léopoldville, car à 200 km de la côte le fleuve est barré par des chutes infranchissables. Des expéditions partaient de ces postes à l'intérieur des terres sur une distance de 30 à maximum 50 km, pour ensuite revenir à leur base de départ. Une large partie du Congo était donc encore inexplorée lors de la reprise du pays par la Belgique, en 1908.

L'exploitation du caoutchouc sauvage, pour laquelle l'administration de l'EIC a été lourdement incriminée, ne pouvait se faire qu'en forêt tropicale, dans le bassin du Congo, soit dans une partie réduite du pays. La légende, selon laquelle des mercenaires de l’État indépendant du Congo ou des missionnaires belges auraient coupé les mains des noirs qui refusaient de travailler est une propagande diffusée par les milieux financiers de Liverpool et par des missionnaires protestants, stipendiés par ces banques. Aussitôt qu'on été découverts les premiers gisements de cuivre du Katanga, les milieux capitalistes anglais avaient manifesté le souhait de s’approprier de ces richesses. Ces grands bourgeois finançaient également de nombreux journaux.

 Avec des journalistes américains et anglais, dont E.D.Morel (l’un des fondateurs de la LICRA) et Mark Twain ( l'auteur des aventures de Tom Sawyer), les principaux diffuseurs de ces mensonges furent Conan Doyle et Lord Roger Casement. Si l’auteur de Sherlock Holmes a cautionné ces affabulations, c’était sous la pression des propriétaires du journal 'The Stand Magazine', qui diffusait ses romans policiers. Un autre motif, à peine moins vil, à ce comportement était pour lui de venger l’honneur de la Grande-Bretagne. En effet la presse belge avait sévèrement critiqué le comportement des Anglais à l'égard des Boers, dans la guerre menée en Afrique du Sud. Ce sont des journalistes belges qui, les premiers, ont dénoncé les camps de concentration anglais et le génocide perpétré contre le peuple des Paysans. Conan Doyle estimait que son pamphlet intitulé, 'La Guerre en Afrique du Sud : sa cause et sa conduite' était à l'origine de son anoblissement: il a été fait chevalier en 1902. Doit-on rappeler que, à cette époque, les Anglais chassaient les Africains de leur terre en Rhodésie, certains les considérant comme du gibier. S’attaquer à un petit pays et à son roi était moins aventureux que critiquer la politique de l’Empire.

Quant à Roger Casement, diplomate britannique né en Irlande, il se considérait comme anti-royaliste. Attaquer le roi des Belges, c’était pour lui une façon de défendre la pensée républicaine. Chargé par la Couronne d’enquêter sur les rumeurs sur le Congo qui circulaient en Angleterre, il se contenta de recueillir et de diffuser les mensonges des missionnaires protestants. Ceux-ci avaient soutenu ces accusations afin de concurrencer les missions catholiques, au cours de cette époque de conquête fébrile fort peu œcuménique. On accordera beaucoup de crédit à leurs observations. Le rapport Casement est des plus accablant pour Léopold II: il y est fait état de crimes perpétrés sur le territoire du Congo. À la suite de ce rapport, E.D. Morel fondera, le 23 mars 1904 à Liverpool, la Congo Réform Association CRA. Elle sera à l’origine de la campagne internationale contre les violences faites aux indigènes du Congo. Le fait que Roger Casement était un inverti explique peut-être à la fois les fantasmes et les accusations d'abus sexuels d’un homme, par ailleurs courageux: en 1916, condamné à mort par la justice de l’Empire britannique, pour avoir tenté de livrer à l’Irish Broderhood des armes qui devaient servir lors du soulèvement de Pâques, il écrivit une lettre d’excuse au roi Albert I. Dans ce courrier, il dénonce ses commanditaires. Ceux-ci n'auraient refusé de le défendre que parce que l’accusation de trahison se doublait de la révélation que Casement était bien l’auteur de récits scabreux et pédérastiques !

Malgré le retournement d'opinion de plusieurs accusateurs, durant la Première Guerre mondiale, et malgré une commission d’enquête jamais contestée, composée de trois Belges, un Portugais, un Suisse, deux Italiens et des journalistes de différentes nationalités, qui affirmèrent à quelques faits mineurs près qu’ils n’avaient constaté aucune anomalie sur le territoire de l’État Indépendant, celui-ci ne fut jamais totalement lavé de cette imposture. De temps à autre, des agitateurs marxistes ou des industriels démagogues ont relancé l’accusation, afin d’éveiller la colère des Congolais contre la Belgique. Dans les années précédant la rénovation du musée de Tervuren, un conservateur ignorant ou ethnomasochiste avait repris la thèse de la culpabilité de l’E.I.C. et donc du roi. Il faut espérer que la nouvelle version de l'actuelle exposition sera plus respectueuse de la vérité scientifique.

 On peut affirmer que jamais les représentants de l’Etat Indépendant du Congo, ni les missionnaires et encore moins les premiers colons n'ont commis les infamies qu'on leur impute. Si les mains de noirs ont été effectivement coupées au Congo, elles l'ont été par les esclavagistes arabisés. Considérant qu’un esclave qui s’enfuit vole un bien de son maître, ils appliquaient la punition imposée par le Coran au voleur: on lui coupait une main. Rappelons à ce propos que les soldats du roi Léopold II furent les acteurs décisifs de la victoire dans la guerre contre ces esclavagistes. Beaucoup le payèrent de leur vie. Aujourd’hui cette guerre est oubliée. Au milieu du dix-neuvième siècle, l’interdiction de l’odieux commerce d'être humains sur le continent américain avait marqué l'effondrement du royaume esclavagiste du Bas-Congo. Mais, plus haut sur le fleuve Congo et à l’est, le pays était devenu la région du monde soumise à un commerce le plus intense d'êtres humains. Ce sont des Africains convertis à la religion musulmane qui pratiquèrent ce qui fut un des plus grands trafics d’esclaves de l’histoire. Sans l’intervention européenne, la région serait peut-être déserte. Les hommes vendus dans les pays de la péninsule arabique étaient émasculés. Les enfants issus d’une relation mixte étaient tués systématiquement à la naissance. 

Léopold II a pris le risque de se ruiner pour le Congo. Il a gagné le pari et a enrichi sa famille énormément, scandaleusement même, mais bien moins que nombre de capitalistes, belges et surtout étrangers. Cela ne devrait pas faire oublier tout ce que notre pays et le Congo doivent au seul grand Roi des Belges. Depuis l’indépendance de 1960, à cause de l’incurie des gouvernements successifs, chemin de fer, routes, écoles, hôpitaux ont peu à peu disparu. Si, durant presque cent ans, ces réalisations servirent les Congolais dans la paix et le développement, c’est l’œuvre des Belges sous la généreuse impulsion de Léopold-Louis-Philippe-Marie-Victor de Saxe Cobourg Gotha.

Patrick COCRIAMONT

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