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S'EXPRIMER LIBREMENT N'EST PAS UNE LIBERTÉ, MAIS UN DROIT

Tribune libre

Mettre l’apartheid israélien au cœur de la cible de la campagne BDS européenne

Boycott Israël

La question du racisme d’Israël n’est pas nouvelle. Un an après l’admission de l’OLP comme observateur à l’ONU en 1974, et la réaffirmation « des droits inaliénables du peuple palestinien à l’indépendance nationale et au droit au retour par l’assemblée générale des Nations Unies, cette même assemblée, adoptait le 10 novembre 1975, une résolution énonçant que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ».

Le poids du puissant mouvement des pays non alignés n’était pas étranger à cette résolution. Son déclin et le contexte de négociations lors de la conférence de Madrid ont permis à Israël et ses alliés de faire en sorte que l’ONU – fait rare – révoque cette résolution le 16/12/ 1991.

DURBAN 2001

 La question revient sur le devant de la scène 10 ans plus tard, en 2001, avec la « Conférence Mondiale contre le Racisme » de l’ONU à Durban (Afrique du Sud). En marge du Forum officiel, le 3 septembre 2001, la déclaration finale du Forum des 6000 ONGs représentées, mentionne à plusieurs reprises et très explicitement le racisme et l’apartheid de l’état d’Israël, dans les points 98,99 et de 160 à 165 ([1]) :

« 99. Reconnaissant en outre qu’un système raciste fondé sur l’apartheid à l’Israélienne est à la base des violations systématiques actuelles des droits humains, y compris de graves violations de la quatrième Convention de Genève de 1949 (à savoir, des crimes de guerre), des actes et pratiques génocides et d’assainissement ethnique. »

Et de mentionner qu’un des aspects de ce racisme est le refus du retour des réfugiés palestiniens. Le Forum des ONG a remis sur le tapis la nature raciste de l’état d’Israël fondé sur l’apartheid.

 La réaction israélienne est des plus violentes. La délégation du gouvernement israélien à la Conférence de Durban dénonce la résolution des ONG comme étant une incitation à la haine des Juifs. “C’est un langage de haine, parti d’une campagne pour délégitimer Israël et le peuple israélien”, a déclaré Noam Katz, le porte-parole de la délégation. “C’est le pire document anti-juif depuis la fin de l’Allemagne nazie”, a commenté pour sa part le rabbin Abraham Cooper, du centre Simon Wiesenthal, présent à Durban. Dans ces conditions de nombreuses ONG européennes y compris des droits de l’Homme ( !) par crainte d’être taxées d’antisémitisme se désolidariseront de la déclaration jugée « excessive ». Caractériser Israël d’état raciste et d’apartheid est tabou.

Apartheid et BDS sont liés dès l’origine

Pour les Palestiniens, Durban 2001 est une victoire qui ouvre sur de nouvelles perspectives. Pour la première fois un large courant de la société civile internationale a non seulement réaffirmé la nature raciste de l’état d’Israël mais a caractérisé et dénoncé le système d’apartheid mis en place par l’état raciste comme étant de même type que celui de l’Afrique du Sud des années 1948 à 1991. Et il a appelé à utiliser contre l’apartheid israélien les mêmes armes de combat qu’à l’égard de l’apartheid Sud africain : le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions.

Dans la logique de la déclaration de Durban et après deux tentatives peu reprises en 2001 et 2002, le PACBI (Comité Palestinien pour le Boycott Universitaire et Culturel) lance en 2004 son appel au boycott des institutions universitaires et culturelles israéliennes. Sur cette base, le PACBI, plusieurs associations de Réfugiés, Stop the wall, PNGO et quelques autres, travaillent à la construction de l’Appel BDS de juillet 2005, connu sous le nom de l’Appel BDS du BNC (Comité National Palestinien du BDS) et qui dès son lancement compte 171 organisations palestiniennes signataires, représentant les 3 composantes du peuple palestinien et toutes les catégories sociales, politiques et religieuses.

10 ans d’extractions criminelles israéliennes pour que soit levé le tabou sur la nature de l’état raciste et d’apartheid israélien.

Après Durban 2001 la pression est telle, que même au sein du mouvement de solidarité, la résolution de l’ONU de 1975 (Sionisme = racisme) peine à se faire entendre. Quant à caractériser Israël d’état raciste fondé sur l’apartheid, ceux qui s’y aventurent sont immédiatement accusés d’antisémitisme, soit rapidement isolés et accusés de faire entrave au sacro-saint processus de Paix dont on mesure aujourd’hui la nocivité.

Comme l’écrit Omar Barghouti (7/12/2007) le « processus d’Oslo » a été le coup le plus dévastateur pour la lutte palestinienne d’autodétermination, parce qu’il a conduit à un glissement de paradigme : d’une lutte d’un peuple opprimé contre ses occupants et colonisateurs, à une dispute entre deux groupes nationaux avec des droits et des revendications morales conflictuels mais symétriques ». Cette fameuse symétrie dont s’est emparée la « gauche » sioniste israélienne et européenne pour défendre « le droit à l’existence » de l’état d’Israël. Ce qui n’est possible qu’en évacuant du débat la question de la nature raciste de « l’état juif » d’Israël. En effet, qui oserait défendre ouvertement le droit à l’existence d’un état raciste et d’apartheid ?

Il aura fallu 10 ans d’exactions criminelles d’Israël perpétrées pendant le « processus de paix » : « Opération rempart » en 2002, le Mur, les attaques contre la Bande de Gaza (2003, 2005 ; 2006), la guerre contre le Liban (2006) et surtout la guerre contre Gaza de l’hiver 2008-2009, et la condamnation de l’assemblée générale de l’ONU pour que le tabou sur la nature de l’état d’Israël soit levé et que soit enfin mis en œuvre l’Appel BDS palestinien pourtant lancé en 2005.

NOVEMBRE 2011 : Le tribunal Russel sur la Palestine porte le coup de grâce et appelle au BDS

Après Londres et Barcelone, la troisième session du Tribunal Russel sur la Palestine (TRP) s’est tenue au Cap en Afrique du Sud les 5 et 6 novembre 2011. Pendant ces deux jours de travaux le TRP a examiné la question suivante : « Les pratiques d’Israël envers le Peuple palestinien violent-elles l’interdiction internationale de l’apartheid ? ». Selon le communiqué final, Le jury, composé de personnalités internationales connues pour leur intégrité morale et des juristes experts en droit international, a rendu son verdict après audition de 25 experts et témoins.

La sentence est sans appel :

Israël commet le crime d’apartheid et la persécution qui est un crime contre l’Humanité.

Les résultats de cette session du TRP sont de la plus haute importance pour le BNC et le BDS international.

  •  Le TRP caractérise sans ambiguïté le double crime commis par l’état israélien.

    Crime d’apartheid : le TRP a conclu (…) à l’existence d’un régime institutionnalisé de domination qualifié d’apartheid selon les critères définis par le droit international. La définition légale du crime d’apartheid comporte 3 éléments :

  •  1) deux groupes raciaux distincts peuvent être identifiés ;
  •  2) des “actes inhumains” sont commis à l’encontre du groupe dominé ;
  •  3) de tels actes sont commis systématiquement dans le cadre d’un régime institutionnalisé de domination d’un groupe sur l’autre.

    La notion d’actes inhumains comprend : les assassinats à large échelle ou ciblés lors des incursions militaires ; la torture et les traitements dégradants de prisonniers ; la privation systématique des droits humains empêchant les Palestiniens, y compris les réfugiés, d’exercer leurs droits politiques, économiques, sociaux et culturels. Il en résulte une fragmentation territoriale et la création de réserves et d’enclaves qui séparent Palestiniens et Israéliens. Une politique décrite par l’État d’Israël lui-même comme « Hafrada » ce qui signifie en hébreu séparation.

    La notion de régime systématique et institutionnalisé renvoie à des législations différentes pour les Palestiniens et les Israéliens.

    La persécution comme crime contre l’Humanité

    La notion de persécution est définie comme une privation intentionnelle et grave des droits fondamentaux des membres d’un groupe identifiable dans le cadre d’attaques larges et systématiques contre des populations civiles. Notamment : le blocus de Gaza comme châtiment collectif, l’attaque de civils lors d’opérations militaires, la destruction de maisons non justifiée par des nécessités militaires et l’impact du Mur sur les populations et la démolition des villages bédouins. (…)

  •  Le TRP constate que les trois composantes du peuple Palestinien sont victimes des crimes d’apartheid et contre l’humanité (persécution).

    (…) Ce régime discriminatoire prend des formes et des intensités différentes selon les lieux où vivent les Palestiniens. Les Palestiniens, soumis à la réglementation militaire coloniale dans les territoires, sont sujets à une forme aggravée d’apartheid. Les Palestiniens citoyens d’Israël, bien que disposant du droit de vote, ne font pas partie de la nation juive telle que définie par la loi israélienne, ils sont donc exclus des bénéfices de la nationalité juive et sont sujets à une discrimination systématique par la violation de leurs droits fondamentaux. (…)

    (…) la privation systématique des droits humains empêchant les Palestiniens, y compris les réfugiés, d’exercer leurs droits politiques, économiques, sociaux et culturels. (…)

    La puissance stratégique de l’appel BDS de 2005 du BNC tient à cette approche politique :

  •  qui a mis en évidence, non seulement les trois composantes du peuple palestinien, éclaté du fait de la création de l’état d’Israël,
  •  mais qui a reconstitué l’unité du peuple Palestinien en formulant l’exigence des droits fondamentaux pour chacune de ces composantes dès lors considérées comme indissociables , l’obligation par Israël de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international en :

    • 1. Mettant fin à son occupation et à sa colonisation de toutes les terres Arabes et en démantelant le Mur

    • 2. Reconnaissant les droits fondamentaux des citoyens Arabo-palestiniens d’Israël à une égalité absolue ; et

    • 3. Respectant, protégeant et favorisant les droits des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs maisons et propriétés comme stipulé dans la résolution 194 de l’ONU. (…)

    En énonçant que les palestiniens de Cisjordanie/Gaza, les Palestiniens d’Israël et les palestiniens Réfugiés sont victimes du crime d’apartheid et du crime contre l’humanité (Persécution), par delà la nature du verdict, en mettant en évidence le lien indissociable de ces trois composantes, le TRP renforce du poids de l’intégrité morale et de son expertise, la vision stratégique de l’appel du BNC palestinien.

    – Le TRP appelle la société civile à se mobiliser pour le BDS :

    Parmi les 9 recommandations du TRP ([2]) la 5ème recommandation du TRP est explicite : « La société civile doit recréer l’esprit de solidarité qui a contribué à la fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud notamment par le moyen de la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) ». Validant ainsi le BDS comme l’arme (non violente) la plus efficace pour combattre le raciste et l’apartheid de l’état d’Israël.

    Mettre l’apartheid au coeur de la cible de la campagne BDS européenne

    Depuis Durban la question de l’apartheid s’est imposée comme une évidence pour les Palestiniens. Dès 2002 et en avril 2004, le PACBI a appelé intellectuels et universitaires du monde entier à « boycotter complètement et systématiquement toutes les institutions universitaires et culturelles israéliennes, en contribution à la lutte pour stopper l’occupation, la colonisation et le système d’Apartheid d’Israël ».

    Aujourd’hui, après 10 ans d’exactions criminelles d’Israël, dont la guerre contre le Liban et contre Gaza, après que le « processus de paix » se révèle avoir été une arme contre le peuple Palestinien, le masque de « démocratie » d’Israël est tombé. La sentence du TRP est une condamnation sans appel qui confirme le crime d’apartheid et le crime contre l’humanité (persécutions).

    Les conditions sont donc réunies pour que la campagne BDS et l’ensemble du mouvement de solidarité s’emparent de la question de l’apartheid et de la persécution et qu’ils en fassent le centre de la cible stratégique dans la lutte pour obliger Israël à reconnaître les droits fondamentaux des Palestiniens.

    La journée d’action européenne du 26/11 dernier contre les exportateurs de fruits et légumes israéliens, et contre Mehadrin en particulier, décidée lors du Forum Européen contre Agrexco à Montpellier, a intégré cette démarche. Plus de 60 actions dans 10 pays européens se sont déroulées sur le thème : « Pas d’apartheid au menu ». L’appel du BNC à cette journée était clair : « L’exportation de produits agricoles israéliens est au cœur du régime d’apartheid contre le peuple palestinien. C’est une partie intégrale du processus de colonisation et de destruction environnementale de la terre palestinienne, du vol de l’eau et du mauvais traitement des droits des travailleurs palestiniens [1]. (…)

    Sur le plan tactique ce choix présente au moins trois avantages :

  •  S’attaquer au système d’apartheid et de persécution c’est choisir de dénoncer les caractéristiques les plus terribles pour le peuple Palestinien et les plus condamnables de l’état d’Israël, car il s’agit de crimes parfaitement définis et relevant de la CPI (Cour Pénale Internationale).
  •  C’est prendre pour cible des crimes qui concernent l’ensemble du peuple Palestinien, c’est un dénominateur commun qui inclue et rassemble à égalité de traitement les trois composantes du Peuple Palestinien.
  •  Pour le mouvement de solidarité et la campagne BDS c’est le meilleur moyen pour inscrire les actions de terrain dans la perspective des objectifs stratégiques du BDS : la satisfaction des droits fondamentaux des Palestiniens sous occupation, des Palestiniens d’Israël et des Palestiniens Réfugiés.

    José Luis Mouraguès

    Notes :

     Recommandations du TRP

    – Le TRP demande instamment à l’État d’Israël de démanteler immédiatement son système d’apartheid, de mettre fin aux lois et pratiques discriminatoires et d’arrêter la persécution des Palestiniens ;

    – Tous les États doivent coopérer en vue de mettre fin à cette situation illégale ;

    – Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) doit accepter la plainte déposée par l’Autorité palestinienne et lancer une enquête sur les crimes internationaux susmentionnés ;

    – La Palestine doit être acceptée comme Partie au Statut de Rome de la CPI ;

    – La société civile doit recréer l’esprit de solidarité qui a contribué à la fin du fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud notamment par le moyen de la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) ;

    – L’Assemblée générale des Nations Unies doit recréer un comité spécial des Nations Unies contre l’apartheid concernant le peuple palestinien ;

    – L’Assemblée générale des Nations Unies doit demander un avis consultatif à la Cour internationale de Justice afin d’étudier la nature de l’occupation prolongée des territoires palestiniens et la politique d’apartheid ;

    – Le Comité des Nations Unies pour l’élimination des discriminations raciales doit inclure la question de l’apartheid dans sa prochaine analyse du cas israélien ;

    – Le gouvernement sud-africain, comme hôte du TRP doit s’assurer qu’aucune forme de représailles ne soit exercée par l’État d’Israël contre les témoins présents lors des travaux du TRP.

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